(Christiane Christe, citoyenne de Boncourt – fin janvier 2020)

Non, il n’est pas logé chez elle, avec elle et la petite, mais dans un autre canton à 140 km d’elles, envoyé dans un centre pour requérants en vue d’un renvoi, malgré sa situation, connue des autorités.

Dans ce centre il est traité comme un malfaiteur, avec défiance et rudoyé par des gardiens irrespectueux. Il n’en peut plus…Il se sent poussé à la violence, provoqué sans cesse, mais il se retient de réagir malgré la colère et l’incompréhension. Il aspire à une vie de paix .

Menacé de renvoi il devra repartir? Laisser ses deux chéries à nouveau sans lui? (Ils avaient été séparés au départ du pays, la jeune femme et sa fille sont dans notre pays depuis plusieurs années).

Pourquoi tout ça? Quelle pitié pour ces gens qui ont déjà tant enduré?

Quel coeur avons- nous ici en Suisse?

Est- ce sur les billets de cent francs seulement que les mains se serrent chaleureusement?

Personne, dans l’administration, pour les guider afin que les démarches pour leur mariage avancent, et vite. Il manque toujours, à chaque envoi à l’administration, un nouvel élément qui, d’ailleurs, on le sait ici en Suisse, est impossible à obtenir dans leur pays d’origine.

Absence de coeur ou dureté de coeur?

Peut- être, un jour, ces mêmes personnes suisses, si à cheval sur les règlements, les lois, si sûres de leurs décisions «  irrévocables » , celles- la mêmes qui pensent et agissent en rudoyant et en renvoyant ces migrants qui devraient être protégés, devront, elles, passer par des moments difficiles et auront besoin d’aide… Quelle aide peuvent-elles espérer? Qui la leur donnera?

« C’est si simple d’aimer » dit une chanson…Si simple d’accueillir, d’ouvrir la porte à l’étranger comme nous aimons d’ailleurs être reçus simplement lorsque nous allons, nous, …à l’étranger (mais nous, les Suisses, quand nous allons à l’étranger, nous avons de l’argent, nous ne craignons rien. D’ailleurs les étrangers qui viennent en Suisse avec de l’argent, beaucoup d’argent parfois, ne craignent rien non plus).

Notre éducation suisse, nos racines. nos traditions se targuent d’être reconnues pour leur esprit d’accueil, sous le regard divin (ça fait partie de notre Constitution).

Qu’en faisons- nous?

Difficile d’être fiers d’être Suisse face aux personnes qu’on envoie au « casse- pipe » la conscience tranquille parce qu’on a respecté aveuglément les lois en vigueur.

Mon coeur pleure, je n’en peux plus face à mon impuissance d’aider. Je n’ai pas les bras assez longs pour intervenir.

Je n’en peux plus de tant de haine dès que l’autre est différent…et sans argent.

Je n’en peux plus de tant d’aigreur face à celui qui a des besoins d’aide, qu’ils soient affectifs, matériels ou autres. Tu vois quelqu’un se noyer? Et tu lui presses sur la tête pour l’achever?

A-t-on pensé à ce que des migrants peuvent aussi apporter à notre pays?

Est- ce que je suis en colère? Oui, je le suis!

Mais au fin fond de moi je garde espoir.

Espoir d’un monde, non; espoir de personnes dures qui deviennent tendres, simplement humaines.

Espoir que des personnes qui ne regardent que les lois à respecter et leur salaire en fin de mois en exécutant tout selon la règle, deviennent compatissantes, bravent les lois et se mobilisent pour les faire changer si c’est nécessaire à la vie de l’autre.

Espoir de voir des personnes dures et intransigeantes ouvrir les bras et leur coeur avec un peu de tendresse.

Espoir de voir un gardien de centre pour migrants qui rudoie un petit gars lors de la fouille en le tirant par la veste, lui mettre la main sur l’épaule et lui dire gentiment: courage mon petit gars, on est là.

Espoir de voir un de ces gardiens qui confisque les mandarines et le chocolat reçus d’ une famille de bénévoles à Noël, lui dire, à ce petit gars: t’inquiètes pas, je te les mets de côté, quand tu en veux tu me dis, je te les donne (dans ces centres il est INTERDIT d’avoir un paquet de biscuits ou une bouteille de jus d’orange qu’apporteraient les amis ou la famille, même si, devant les migrants, les gardiens peuvent, eux, lorsqu’ils prennent leur service, arriver avec un sac plastic transparent plein de paquets de biscuits!).

Espoir de voir un gardien dire gentiment bonjour à un petit gars qui se réveille le matin, sans le faire sortir du lit avec autorité en refermant la porte à clé une fois sorti de la chambre.

Espoir de voir le gardien compatir au manque de sommeil de certains migrants essayant de dormir dans une chambrée ou certains ronflent à qui mieux mieux. Et, lorsque nous donnons des boules « Quies » ( qu’il a fallu justifier!) le gardien nous dit: «  il ne faut pas leur laisser croire au luxe, à ceux- là » Je n’ai pu m’empêcher de lui demander: « pour vous, dormir c’est un luxe? ». Oui, Espoir de voir ce gardien changer la vie de son coeur!

Espoir de voir des gardiens se préoccuper du bien-être des migrants plutôt que de se déplacer, droits comme des « i » , arme à la ceinture et main sur l’arme. ( bien sûr ils ont été promus « dignes de ce poste », ils ont le droit d’être fiers!)

Espoir de voir des migrants, même si ils sont renvoyés pour des raisons valables (preuves de violences, criminels, etc) dire de la Suisse: « dans ce pays, la Suisse, c’est la première fois dans notre vie qu’on a eu à faire à des gens qui nous ont traités « dignement ».

Vous voyez, de l’espoir j’en ai…encore…

Voter?

Pour qui voter en ces temps d’élection? En plus des considérations économiques (très à la mode dans les discours de nos prétendants aux divers gouvernements cantonaux ), qui construira la Suisse par des idées et des actes ayant un réel impact sur la tranquillité de notre vie, de notre âme, de notre conscience? A qui donner notre coeur, nos suffrages, à qui faire confiance pour construire l’avenir des gens de notre pays ?